France
Album de la famille d'Yvoley

Carte de Visite atelier Mme Leclerc à Chartres
Colonel de Bernis, commandant le 1er Régiment de Chasseurs à Cheval

François Justin Raymond (on trouve aussi "Rémond"), Vicomte de Pierre de Bernis, est né le 7 Octobre 1814 à Nîmes. D'une vieille famille du Languedoc, il est le troisième fils du Comte Henri-Benoît de Pierre de Bernis (officier, chevalier de la Légion d'Honneur, chevalier de Malte) et d'Alexis-Claudine-Olympe de Barral.

Sa carrière a fait l'objet d'une notice assez détaillée parue sous deux versions, dans "Le Panthéon de la Légion d'Honneur", par T.Lamathière, et dans "Souvenirs de Saint Cyr et de l'École d'État-Major", par Albert Du Casse (1886).
Je vous en propose la seconde version, agrémentée ci et là de quelques notes complémentaires.

DE PIERRE DE BERNIS (François-Julien-Raymond, vicomte), général de division de cavalerie, grand-officier de la Légion d'honneur, né à Nîmes le 7 octobre 1814, élève de Saint-Cyr le 13 novembre 1832; sous-lieutenant le 20 avril 1835, officier- élève à l'École de cavalerie de Saumur, est le véritable type de l’officier de cavalerie légère, arme dans laquelle il a presque toujours servi et qu'il a commandée avec succès. 
Il a une grande distinction de manières, une taille des plus élégantes et une charmante figure.

Il sortit de Saumur pour entrer au 12e de chasseurs à cheval, où il fut promu lieutenant le 20 février 1840 et qu'il quitta à la formation des trois nouveaux régiments de hussards, envoyé au 7e de cette arme capitaine le 22 mars 1843, au tour du choix, il se trouvait à Mirande en 1851, lors des troubles dont cette petite ville fut le théâtre. Par son intelligence et sa vigueur, le jeune capitaine contribua au rétablissement de l’ordre, à la tête de son escadron, et fut cité pour ce fait.

Chef d'escadron au 6e de lanciers, le 4 juin 1852, régiment alors à Chartres, désireux de faire campagne, il obtint de passer, en 1853, au 3e de chasseurs d'Afrique, à Constantine.
Chargé par le général de Mac-Mahon, commandant la province de Constantine, de diriger une colonne destinée à maintenir dans le devoir, pendant l'expédition de la Kabylie
[NOTA : menée par le général Randon], les tribus du Sud, il s'acquitta de sa difficile mission avec beaucoup de succès , livra, le 24 juin 1854, un beau combat à une fraction importante de la puissante tribu des Nemenchas, dans le défilé de Lambec, près de Tebessa, et ce combat eut pour résultat de rétablir le calme et la sécurité dans cette contrée. Cette affaire, qui valut une citation au commandant de Bernis et la croix de chevalier de la Légion d'honneur [NOTA : Chevalier le 29 décembre 1854], est rappelée au palais de Constantine par un trophée composé avec les armes enlevées aux Arabes. Cet officier supérieur fit encore, à la fin de 1854, L’expédition de Tongourt et du Souf.

L'Expédition de Touggourt

Cette campagne de l'hiver 1854 fur menée par le Colonel Desvaux. Elle est ainsi relatée par le Général du Barail dans ses Mémoires (Tome II, pp.146-151) :
"La colonne qu'il venait de réunir à Biskra comprenait 650 hommes du 68e de ligne et du 3e de tirailleurs ; 600 chevaux du 3e de chasseurs d'Afrique et du 3e de Spahis ; 1,400 fantassins et 1,000 cavaliers arabes, et une section d'artillerie de deux obusiers de montagne. Arrivé à Mraïer, il lança en avant une avant-garde, composée de deux escadrons de spahis, d'une compagnie de tirailleurs, des cavaliers du goum et d'un détachement de fantassins arabes, et commande par un chef d'escadrons de son régiment, le commandant Marmier, qui poussa jusqu'à l'oasis de Meggarine, située à quelques lieues de Touggourt, où il apprit que les deux chefs rebelles étaient allés soulever les populations du Souf. Le commandant Marmier se mit à leur poursuite. Mais il fut bientôt informé que ses adversaires étaient solidement postés à une oasis appelée Taïbet-el-Guéblia, et lui barraient la route. Comme cette oasis est entourée d'une zone de sable de trois lieues de large, sur laquelle la cavalerie ne peut combattre, le commandant Marmier, qui ne comptait pas beaucoup sur son infanterie arabe, rebroussa chemin, et, le 28 novembre, il revenait coucher près deMeggarine, à un endroit nommé Bou-Beghis. Il était là, dans une excellents position défensive, appuyée sur des jardins depalmiers entourés de murs, ayant devant lui la plaine nue. Mais sa retraite avait enhardi l'ennemi, et, le 29novembre au matin, 500 cavaliers et 2,000 fantassins arabes, dirigés par le chérif et par Si-Selman en personne, s'avançaient hardiment pour le surprendre. La lutte allait avoir lieu entre arabes, puisque le commandant n'avait en main près que des forces indigènes. Mais ces forces étaient encadrées par des Français et disciplinées à l'européenne. Le plan d'attaque était d'ailleurs assez bien conçu. Il consistait à aborder le camp par la plaine avec la cavalerie et à le prendre à revers, au moyen des fantassins qui filaient le long des lignes de palmiers étendues de Touggourt à Meggarine, avec l'espoir de s'emparer de ce dernier village. On croyait si peu à tant d'audace que les tirailleurs avaient démonté leurs fusils pour les nettoyer. Mais ils étaient commandés par un vieux capitaine nommé Vindrios, que rien ne troublait et qui, à la vue des Arabes en marche, au lieu d'affoler ses hommes par des commandements précipités, leur répétait lentement : "Mes enfants, ne vous pressez pas ; vous avez plus de temps qu'il ne vous en faut."
La cavalerie était montée à cheval par alerte, au premier signal, afin de retarder l'attaque, pour donner à l'infanterie le temps de se mettre en défense. Les goums chargèrent les premiers, et ils furent ramenés. Derrière eux, les deux escadrons de spahis, commandés par les capitaines de Courtivron et Clavel, partirent en quatre échelons. Les deux premiers échelons échouèrent, mais le troisième parvint à enfoncer la ligne ennemie. A ce moment les hommes du capitaine Vindrios avaient remonté leurs armes, et, intelligemment postés derrière les murs des jardins, ils accueillirent à coups de fusil l'infanterie arabe qui les assaillait.
L'affaire fut chaude. Au premier rang des combattant se distingua, du côté des Arabes, un mokadem (chef religieux) qui se fit tuer sur place plutôt que de reculer d'une semelle. Cependant, l'ennemi ne tint pas. Quand il le vit ébranlé, le commandant Marmier ramena toute sa cavalerie à la charge derrière l'escadron du capitaine de Courtivron. Ce fut une déroute. Les Arabes laissèrent sur le terrain 500 morts et quantité d'armes qui, avec cinq étendards, furent les trophées de la journée. Le 1er décembre, à dix heures du soir, le chérif et Si-Selman, qui s'étaient réfugiés à Touggourt, s'échappaient de la ville où le lieutenant Roze, de la légion étrangère, Prussien d'origine, entrait le lendemain matin, à la première heure, bientôt suivi par le commandant Marmier, les spahis et les tirailleurs. Le 5, le gros de la colonne Desvaux arriva en même temps que le commandant Pein, avec la colonne de Bouçaâda. Enfin le 7, j'arrivai moi-même avec ma colonne, qui passa immédiatement sous les ordres du colonel.
Il m'accueillit avec une joie sans mélange, car je ne lui apportait pas seulement les approvisionnements relativement considérables, véhiculés par mon convoi de chameaux ; je lui procurais, en outre, un appoint de forces indispensable pour qu'il pût continuer dans le Souf les opérations jugées nécessaires. Il venait de recevoir l'ordre de faire rétrograder toute son infanterie, réclamée par les régiments en partance pour la Crimée.
(...)
Au Souf, où nous arrivâmes le surlendemain, le spectacle change. Le pays est sain, mais désolé.(...) Nous ne restâmes dans le Souf que le temps de recevoir la soumission des cinq villages et d'asseoir notre autorité, en organisant les pouvoirs publics. 

- Notice De Bernis - Suite -

Il quitta l'Algérie, embarqué pour l'armée d'Orient, et prit part, à la tête de ses escadrons, à la guerre de Crimée et au siège de Sébastopol.
Le 4 août 1855, il fut promu lieutenant-colonel au 6e de dragons, alors devant la place russe, et après l’attaque générale du 8 septembre, il fut à Eupatoria avec les troupes du général d’Allonville, prit part aux combats livrés par cet officier général, et fut laissé à Eupatoria avec les fonctions de commandant militaire, de gouverneur civil, de consul de cette place, occupée par vingt mille Tartares réfugiés, par une brigade anglaise et par vingt-cinq mille Turcs ou Égyptiens aux ordres du Muchir Amet Pacha.
Ce dernier ayant signalé au gouvernement ottoman les services rendus par M. de Bernis, le sultan envoya au lieutenant-colonel la croix de grand-officier de l’ordre du Medjidie.

Au 6e Dragons

La vie du régiment lors de cette campagne a été bien décrite par le Chanoine Durengues dans une fort intéressante "Notice sur le Général Ressayre", parue au "Bulletin de la Société d'Agriculture Scences et Arts d'Agen" en 1910 (accompagnée de lettres de Ressayre).
Notons en passant le nom de cet autre officier venu des Chasseurs d'Afrique (nous le retrouverons à l'armée de Versailles en 1871), avant d'en lire quelques extraits qui concernent la période qui nous intéresse :
"A la veille de tenter contre Sébastopol l'effort suprême, il fallait plus que jamais se mettre en garde contre une attaque désespérée des vaincus de l'Alma, de Balaklave et d'Inkermann. De fait, cette attaque se produisit le 16 août mais elle ne fut pas imprévue. Grâce au service d'informations, assuré pour sa part, par le 6e dragons, le quartier général avait été prévenu en temps utile. Aussi, bien qu'il n'ait entendu que dans le lointain, le canon de Traktir, le régiment n'a pas été étranger au succès de cette belle journée.
Après Traktir, il n'y avait plus à se préoccuper de l'armée de secours. Tout l'intérêt se concentra sur Sébastopol. La cavalerie, sa mission remplie, était restée à Orkoutsa, attendant les événements. Là, profitant d'un moment d'accalmie, le général d'Allonville avait passé, le 12 août, l'inspection de ses troupes. On lit dans son rapport :
'Le 6e de dragons est un bon régiment, dans lequel règne l'esprit militaire et un grand accord parmi les officiers, comme une discipline parfaite dans la troupe. Il a beaucoup acquis comme habitude d'activité et du service de campagne depuis son séjour en Crimée. Le colonel Ressayre lui imprime une excellente impulsion et le général est heureux, en lui exprimant sa satisfaction des résultats obtenus, de pouvoir l'engager à persévérer dans cette voie...
'En résumé, l'Inspecteur général, à côté de quelques observations, qui seront acceptées comme les conseils de l'expérience, n'a que des éloges à donner au 6e dragons et sera charmé de lui procurer l'occasion de montrer sur le champ de bataille, tout ce qu'il vaut.'
Pour cela il fallait en finir avec le siège. Or, ce grand drame touchait à sa fin. Le dénouement était proche. 'Dans la nuit du 7 au 8 septembre, raconte l'ancien sous-officier Mismer, nous reçûmes l'ordre de nous replier dans la plaine de Balaklava. cet ordre ne pouvait s'expliquer que par l'imminence de l'assaut. Depuis deux jours, la coulée de la Tchernaïa nous apportait le vacarme de deux mille deux cents pièces de gros calibre tirant sans interruption... Une épaisse fumée obscurcissait le ciel et répandait sur la terre un brouillard nauséabond. En arrivant sur la Tchernaïa, nous trouvâmes l'armée sur pied. On nous forma, face à la rivière, à la droite de l'infanterie. La canonnade était infernale. La terre tremblait sous les pieds des chevaux. Vers neuf heures, le feu se ralentit. A onze heures il reprit avec une nouvelle violence. A midi juste il cessa. L'assaut commençait. On nous fit mettre le sabre à la main bien qu'il n'y eut aucun ennemi devant nous, sans doute pour rendre honneur à ceux qui se ruaient dans la mort. Nous restâmes ainsi longtemps l'oreille tendue vers Sébastopol. A trois ou quatre la nouvelle arriva que Malakoff était pris.'
On sait que la prise de Sébastopol ne mit pas fin à la guerre. 150,000 Russes occupaient encore la Crimée. Avant de les attaquer de front, le maréchal Pélissier avait décidé d'envoyer à Eupatoria quelques régiments de cavalerie afin d'inquiéter l'ennemi sur sa ligne de retraite. Le 6e dragons fit partie de l'expédition. A peine débarqué, il brûlait d'en venir aux mains avec le corps de cavalerie russe chargé de surveiller Eupatoria. Le 25 une première reconnaissance l'amena assez loin sur la route de Pérocop. Pendant cette journée, l'ennemi resta constamment en vue mais hors de la portée des sabres. On recommença le 29, mais fidèles à leur tactique, les Russes gardaient toujours avec les nôtres une distance égale et semblaient insaisissables. Tout à coup (...)"

Le Combat de Kanghil

Si la campagne de Crimée fut frustrante pour la cavalerie alliée, les Français trouvèrent enfin à s'illustrer en ce 29 septembre 1855 au combat de Kanghil. En voici le récit, relaté dans l' "Histoire complète de la Guerre d'Orient" de Jules Ladimir (pp.379-384) :
"Les opérations nouvelles, qui devaient avoir pour pivot Eupatoria, furent inauguées d'une manière brillante le 29 septembre par une affaire de cavalerie dont les détails sont contenus dans le rapport suivant du maréchal Pélissier au ministre de la guerre :
"Monsieur le maréchal, en rendant compte à Votre Excellence, dans ma dépêche du 29 septembre, de l'envoi du général d'Allonville à Eupatoria avec trois régiments de sa division de cavalerie (4e Hussards, 6e et 7e dragons, et une batterie à cheval), j'exprimais l'espoir que l'habile activité de ce général, secondé avec empressement par le muchir Ahmet-Pacha, parviendrait à rejeter au loin les troupes que les Russes entretiennent autour d'Eupatoria, et à menacer ensuite la grande ligne de communication de l'ennemi de Simphéropol à Pérécop. Un brillant combat de cavalerie livré le 29 septembre à Koughil (5 lieues nord-est d'Eupatoria, et dans lequel la cavalerie russe du général Korf a été complètement défaite par la nôtre, vient d'inaugurer très heureusement cette série d'opérations dont Eupatoria doit être le pivot. D'après ce qui avait été convenu entre Ahmet-Muchir-Pacha et le général d'Allonville, trois colonnes quittèrent Eupatoria le 29, à trois heures du matin, pour marcher à l'ennemi. La première, dirigée au sud-est, alla prendre position à l'extrémité de l'isthme, vers Saki. Elle n'avait devant elle que quelques escadrons, qu'elle a facilement contenus, avec l'aide de deux canonnières qui l'ont appuyée de leur feu. La seconde, commandée par le muchir en personne, et passant par Oraz, Atchin et Teiech, s'est avancée sur Djollchak, en ruinant sur son passage tous les approvisionnements de l'ennemi. La troisième, à la tête de laquelle s'était mis le général d'Allonville, se composait de 12 escadrons de sa division, de la batterie Armand (artillerie à cheval), avec 200 cavaliers irréguliers et 6 bataillons égyptiens. Elle traversa l'un des bras du lac Sasik et marcha par Chiban sur Djollchack, rendez-vous commun où les deux dernières colonnes furent réunies vers dix heures du matin. Ces deux dernières colonnes avaient poussé devant elles des escadrons russes qui s'étaient successivement repliés sur leurs réserves. Pendant que le général d'Allonville faisait rafraîchir ses chevaux, il observait les mouvements de l'ennemi qui avec 18 escadrons, plusieurs sotnias de Cosaques et de l'artillerie, cherchait à tourner sa droite  en s'avançant entre le lac et lui. Le général d'Allonville, que le muchir fit soutenir en arrière par 2 régiments de cavalerie turque et les 6 bataillons égyptiens, se dirigea aussitôt sur la pointe du lac pour envelopper l'ennemi lui-même. La promptitude de ce mouvement permit au 4e de hussards, conduit en première ligne par le général Walsin-Esterhazy, d'aborder l'ennemi à l'arme blanche, pendant que le général Champeron, avec ses 6e et 7e de dragons, en deuxième et troisième ligne, débordait les uhlans russes et les forçait à une retraite précipitée durant laquelle ils furent harcelés pendant plus de deux lieues. L'ennemi ne tenant plus aucun point et s'enfuyant dans toutes les directions, le général d'Allonville arrêta ses escadrons et recueillit, avant de se retirer, tout ce qui restait sur le champ de bataille.
Cette journée nous a valu 6 bouches à feu (dont 3 canons et 3 obusiers), 12 caissons et une forge de campagne, avec leurs attelages, 169 prisonniers, dont un officier, le lieutenant Procopwitch du 18e uhlans, et 250 chevaux. L'ennemi a laissé sur le terrain une cinquantaine de tués, parmis lesquels a été reconnu le colonel Andreouski, du 18e uhlans, de la division du général Korf, qui commandait devant nous ce jour-là, et quipasse, dans l'armée russe, pour un officier de grand mérite. os pertes sont, en comparaison, très minimes. Nous avons eu 6 tués et 29 blessés. MM. Pujade, aide-de-camp du général Waslin, et de Sibert de Cornillon, officier d'ordonnance du même général, sont au nombre de ces derniers. Cette belle affaire fait grand honneur aux régiments qui ont donné, ainsi qu'aux généraux Walsin et de Champéron, et au général d'Allonville, qui a eu beaucoup à se louer du concours d'Ahmet-Muchir Pacha et du corps ottoman qu'il commande.
(...)
Le combat de Khoughil ouvrit aux alliés toute la plaine comprise entre Eupatoria et Pérékop ; il produisit en outre un grand effet moral, car jusqu'alors la cavalerie russe avait joui d'une réputation de supériorité sur toutes les autres cavaleries de l'Europe. L'empereur Alexandre ressentit de cette défaite une grande irritation et destitua le général Korf."

Au 6e Dragons - fin de la Campagne d'Orient et retour en France

Reprenons la lecture du bon Chanoine Durengues :
"Cette belle affaire fit particulièrement honneur au 6e dragons qui un moment se trouva seul aux prises avec l'ennemi pendant que le 4e hussards qui avait chargé en tête reformait ses rangs et que le 7e dragons accourait à toute vitesse. Trois noms superbes : Marengo, Austerlitz, Friedland illustraient son étendard. On y ajouta celui de Kanghil.
(...)
Malgré le parti-pris des Russes d'éviter tout engagement on ne devait pas cesser de les harceler et de les serrer deprès. Mais la difficulté des routes, le manque d'eau, l'absence de ressources de tout genre empêchèrent toujours de les poursuivre à fond jusque dans leur retranchements. Même pendant le gros hiver et par des températures de 22 degrés de froid, les troupes, cantonnées dans Eupatoria, faisaient des sorties journalières. Malheureusement le scorbut éclata parmi elles. Il devait faire plus de victimes que la guerre et le 6e dragons ne fut pas épargné. 'C'est alors, dit M. Charles Mismer, qu'apparut la valeur morale des survivants du premier hiver. Tandis que, pour le service courant, il restait à peine cinq ou six hommes disponibles, dès qu'il était question d'une prise d'armes, tous les chevaux étaient montés. Des cavaliers de mon peloton, dont les jambes ulcérées ne formaient qu'une plaie, supportaient la selle sans se plaindre, pendant des journées entières, soit pour ne pas manquer une chance de guerre, soit dans l'espoir qu'une balle ou un boulet mettrait fin à leur existence'. Il n'était plus question de suicide.
Cependant on allait bientôt voir la fin de tous ces dangers et de toutes ces souffrances. Le 27 février 1856 un armistice fut signé parles belligérants et le 2 avril des salves d'artillerie annonçaient la conclusion de la paix.
Parti des premiers, le 6e dragons fut des derniers rapatriés. Son colonel le ramena par terre vers Sébastopol. Chemin faisant il le fit bivouaquer sur le champ de bataille de l'Alma. Dans les premiers jours de juin il s'embarquait avec lui à Kamiesch, sur le vapeur La France. (...)"

Le 6e dragons débarque à Marseille les 24 et 25 Mai. A la fin juin, le régiment quitte Avignon pour aller s'installer à Clermont-Ferrand, où il resterait jusqu'en septembre 1858 avant de rejoindre Paris.

- Notice De Bernis - Suite -

Le 14 mars 1859, le Vicomte de Bernis fut nommé colonel et prit, à Auch, le commandement du 1er de chasseurs de France. Embarqué pour la province d’Oran, avec son nouveau régiment, il vint à Mostaganem et prit part, à l’automne de 1859, à l’expédition du Maroc, qui lui valut la croix d’officier, le 19 septembre 1860.

Rentré en France en 1862, à Tarbes, Commandeur le 2 septembre 1864, il fut promu général de brigade le 31 juillet 1867, et prit d'abord le commandement de la subdivison de Saône-et-Loire et de l’Ain, puis celui d’une brigade de la division de cavalerie de Clerembault, de l'armée de Paris, à Versailles, où il se trouvait lors de la déclaration de guerre à la Prusse, le 15 juillet 1870 [NOTA: Brigade composée des 5ème Hussards et 12ème Chasseurs].

Envoyé avec sa brigade à la division de cavalerie Brahaut, du 5e corps, un de ses régiments, le 12e de chasseurs, dans lequel lui-même avait débuté en sortant de Saumur, eut l'honneur de donner le premier coup de sabre à l'ennemi. Le 25 juillet à Schirlenof , près Niederbronn, une reconnaissance du 12e de chasseurs eut un combat dans lequel plusieurs uhlans furent sabrés et trois officiers Badois fait prisonniers.

Les premiers coups de sabre de la Guerre de 1870

C'est une patrouille du 12ème Chasseurs (vétérans du Mexique) qui se rendra le 25 juillet au hameau de Schirlenhof, où elle affrontera une patrouille de Dragons Badois dans l’auberge Léonhardt - perdant le maréchal des logis Pagnier, mais capturant 9 Dragons et 3 Officiers (un officier s'échappera : le Comte de Zepellin).
Le Général de Bernis, qui accompagnait le régiment, arrivera avec celui-ci pour complimenter les vainqueurs, l'aubergiste vint le bonnet à la main et tout effaré demander à qui il fallait présenter la note - ce qui fit éclater de rire le Général, qui paya de bon cœur, lui donnant le double de la somme réclamée.

Le caractère plaisant ce cet officier est relaté dans le Times du 3 Août 1870 :
"Numerous complaints continue to be made of the maltreatment of French subjects in Germany. It is impossible they should all be unfounded, and it touches the honour of the German Governments to put an end to such brutality, wether on the part of officials or of the populace. When we read that the Baden oficers at Neiderbronn were no sooner captured than they were invited to General de Bernis' dinner-table, treated with the utmost courtesy, and allowed to betake themselves on parole to a pleasant town in the interior of France, and when we see that here in Paris, in spite of thewar, not the sloghtest offence is shown to Prussians, and that German is loudly spoken in the streets and public places without any notice being taken of those who thus betray their nationality- when we witness these things we cannot but feel indignant at such cases as the following, published, on Government authority, in to-day's Official Journal :-
'French persons expelled from the Duchy of Baden have had to endure the most unworthy treatment as far as the Swiss frontier, whither they were conducted in chains. Several of them were despoiled of their property and compelled to pay 24 kreutzers for the rent of the dungeon in which they were sheltered from the violence of the mob.'"

Le Lieutenant-Colonel Ferdinand Foch portera quant à lui un regard moins... attendri sur ces opérations, lors des conférences données à l'Ecole de Guerre en 1900 :
"(...) Le même jour, 5 août, arrive d' ailleurs à Bitche, au quartier général du général De Failly , le lieutenant-colonel de Kleinenberg, venant de Metz ; il annonce la présence devant le corps du général Frossard d' un corps d' armée prussien. Et cette nouvelle, venant se greffer sur le tout, appelle encore l' attention du général De Failly de ce côté. Quoi qu' il en soit, la division de Lespart seule reçoit l' ordre de partir le 6 et de bon matin, par la route de Niederbronn ; mais, sur des bruits colportés par des paysans effrayés, la division retarde son départ ; elle ne part en fait qu' à (..) . Pas de service de renseignements régulièrement organisé. Ce sont les rumeurs, fondées ou non fondées, généralement grossies par la peur, qui vont dicter les décisions militaires ; comment celles-ci répondraient-elles à la réalité des choses ? Le général De Bernis, avec le 12e chasseurs, précède la division. Il n' y a ni avant-garde ni flanc-garde. De nombreux chemins ou sentiers débouchent sur la gauche de la route que l' on suit, par lesquels le général De Lespart craint d' être attaqué en flanc. Il n' avance que pas à pas. à chaque croisée de routes, la colonne s' arrête. On fait fouiller le pays en avant et sur le côté, par la cavalerie, souvent même par des détachements d' infanterie. Toute la division se pelotonne pendant ce temps ; la colonne ne reprend sa marche qu' au retour des reconnaissances affirmant qu' on peut avancer sans danger. De là résultent des temps d' arrêt multipliés que la troupe en particulier ne s' explique pas. Les officiers et les hommes, excités par le bruit du canon qu' on entend depuis le matin, s'impatientent de ces lenteurs et trouvent pour le moins intempestives les précautions prises. à mesure qu' on approche de Niederbronn, on rencontre des blessés, puis des fuyards ; ils deviennent de plus en plus nombreux : ils disent naturellement que les affaires vont mal ; bientôt ils annoncent la perte de la bataille. Quand on arrive sur les hauteurs qui dominent Niederbronn, c'est le flot de la retraite qu' on aperçoit traversant la ville ; il est 5 heures. C' est à ce moment seulement que la communication s'établit entre les deux portions de l' armée d' Alsace. Le maréchal De Mac-Mahon ordonne à cette division d' infanterie qui arrive sur les talons de son régiment de cavalerie : de déployer une brigade à droite de la route (de Fontanges) ; et une à gauche  (Abbatucci). L' artillerie de la division prend position. Devant ce déploiement, les prussiens s' arrêtent ; ils n' ont pas dépassé Niederbronn ; puissance de l' impression causée par l' arrivée de troupes fraîches. La division Guyot De Lespart avait mis de (..) du matin à 5 heures du soir-plus de neuf heures-pour faire l' étape de 22 kilomètres qui séparent Bitche de Niederbronn. Elle amenait des troupes épuisées physiquement et moralement. Elle amenait surtout des troupes inutiles . Il était trop tard ! (...)"

- Notice De Bernis - Suite -

Le général de Bernis se trouva à Reichsoffen, à Beaumont, à Sedan.
Ayant, à cette dernière journée, percé les lignes ennemies, dans son mouvement offensif de sa brigade contre les batteries de Fleigneux, entouré de toute part, il fut assez heureux pour pouvoir gagner Mézières, où il reçut
[Nota : du général Mazel] l'ordre de se diriger par Hirson sur Paris.
Chargé par le ministre de la guerre de rallier et de diriger sur la capitale les débris de nos troupes, il arriva dans cette ville, y organisa rapidement en régiments les lambeaux de plusieurs corps, et fut longtemps le seul officier général de cavalerie au siège. Il rendit de grands services à la défense, à la tête de ses cavaliers, surtout au combat de Châtillon le 19 septembre, au moment de l'investissement. Lors de la formation des trois armées à Paris, le général de Bernis eut le commandement de la 1re brigade de la division de cavalerie Bertin de Veaux de la 3e Armée. Après le siège contre les Allemands, M. de Bernis eut à commander, au siège contre la Commune, à l'armée de Versailles, la 1ère brigade de la division de cavalerie Ressayre du 3e Corps.

A l'armée de Versailles

La Brigade de Bernis est composée des :
- 9ème Lanciers, ex-Lanciers de la Garde transformé par la décision du 10 Mars 1871.
- 7ème Dragons, ex-"Dragons du Nord", reconstitué à Lille et qui a combattu avec l'Armée du Nord de Faidherbe.

Voici un exemple d'action de la Cavalerie dans cette période délicate :
"Le climat est tendu. Les autorités repliées sur Versailles et dont la tactique consiste à faire un blocus de Paris, redoutent une sortie des insurgés et une extension de la révolte. A partir du 9 avril, le 9e Lanciers, qui est cantonné dans les environs de Versailles, est en alerte. Deux escadrons du régiment sont mis à la disposition d'un colonel d'Infanterie dont l'unité est campé dans le bois de Verrières. La mission des Lanciers - en règle général, des officiers - est d'effectuer des reconnaissances dans les environs de Paris, de faire respecter le blocus et d'appuyer l'infanterie en cas d'événements graves.
Le 14 avril, les 1er et 2e escadrons partent de leur bivouac en fin d'après- midi pour se rendre à Choisy le Roi. Ils ont pour mission de couper la voie du chemin de fer d'Orléans à 200 mètres en avant du village dans la direction de Vitry sur Seine vers la gare aux bœufs. Le détachement règle sa marche de manière à arriver à Choisy pendant la nuit. Il est rejoint sur la route par le général de Bernis, à la tête de 2 escadrons de Hussards destinés à protéger les lanciers pendant l'opération. Malgré la mauvaise volonté du chef de gare de Choisy, le chef d'escadrons Caillard se procure les outils nécessaires et, avec l'aide d'employés de la voie réquisitionnés, il parvient à enlever 100 mètres de rail sans être inquiété."

- Notice De Bernis - Suite et fin -

Général de division le 4 novembre 1874, il fut chargé de faire des inspections de cavalerie, jusqu'à son passage au cadre de réserve, par limite d'âge.
Élevé à la dignité de grand-officier de la Légion d'honneur le 12 juillet 1879, M. de Bernis n'a pas voulu prendre sa retraite et se trouve encore dans la 2e section du cadre d’activité, prêt à reprendre les armes si une guerre éclatait de nouveau.

D'une noble famille d'épée, arrière-petit-neveu du cardinal de Bernis, le général a pour armes : d'azur à bande d'or, surmonté d'un lion passant de même; pour cimier : un demi-lion au naturel armé d'une épée; pour devise : armé pour le Roy.
Il a eu des ancêtres aux croisades, et les armes de sa famille figurent à la salle de la première croisade, au palais de Versailles.

Le général de Bernis décèdera le 27 Novembre 1898 au château de Fléchère (Ain).
Il avait épousé Jeanne-Marie Arthaud de Laferrière (fille de César-Dominique et de Michelle-Françoise-Cornélie de Sarron, décédée à Cannes le 28 janvier 1896, à l'âge de 65 ans) le 2 Décembre 1847, dont il n'eut pas de postérité.

Cette photo le représente en Colonel du 1er régiment de Chasseurs à Cheval.
Il n'est pas encore commandeur de la Légion d'Honneur : elle a donc été prise avant le 2 Septembre 1864.
On notera, à la droite des médailles qu'il arbore, la Médaille Britannique de la Guerre de Crimée et la Médaille de la Valeur Militaire Sarde.